Sanjin Prcic : « Jouer pour la Bosnie m’a rendu plus fort » - Racing Club de Strasbourg Alsace
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01/09/2021

Sanjin Prcic : « Jouer pour la Bosnie m’a rendu plus fort »

Si la Meinau a été le théâtre d’une performance de haut vol de Sanjin Prcic dimanche dernier contre Brest, elle accueillera ce soir une confrontation entre ses deux patries. Entretien avec le plus français des internationaux bosniens, dont l’histoire avec les Dragons a démarré il y a plus d’une décennie.

Sanjin, ce match entre tes deux pays ici à la Meinau, c’est un beau symbole ?

Oui, c’est très beau ! L’annonce de ce match à Strasbourg m’a fait très plaisir. Ça aurait été encore plus incroyable de le vivre sur le terrain, mais c’est la vie. Je viendrai avec plaisir voir cette rencontre à la Meinau en tant que spectateur.

Peux-tu rappeler tes liens familiaux avec la Bosnie ?

Mes parents sont tous les deux Bosniens. Ils sont arrivés en France peu avant notre naissance. Notre famille est très attachée à ses racines, c’est pourquoi ma sœur et moi avons passé tous nos étés en Bosnie lorsque nous étions plus jeunes. Nous avons encore des oncles, des tantes, des cousins, des amis là-bas. Ce fut un formidable moyen de s’imprégner de la culture. À la maison, nous parlions quotidiennement le yougoslave (ndlr, serbo-croate) avant même de découvrir le français à l’école.

Ce pays a justement une histoire et une culture particulière

La Bosnie a été déchirée par une guerre religieuse dans les années 1990. Elle a été envahie par la Serbie et la Croatie, ce qui fait qu’il y a aujourd’hui les trois cultures dans le pays : les Bosniaques, qui sont musulmans, les Croates qui sont catholiques, et les Serbes qui sont orthodoxes.

 

« Le choix de la Bosnie, une évidence »

 

Qu’est-ce qui te plaît le plus en Bosnie ?

J’y ai construit de très beaux souvenirs durant mon enfance. Beaucoup de gens de ma famille sont partis vivre ailleurs à cause de la guerre, en Europe ou aux Etats-Unis, mais nous avions pour habitude de tous nous retrouver en Bosnie l’été. J’adorais y rester un mois et demi ou deux mois, pour couper du foot surtout. Il fait très chaud l’été, c’est très agréable. C’était le top pour se ressourcer.

Tu as commencé très jeune à porter les couleurs de la Bosnie, dès les U17. Comment t’ont-ils repéré ?

À force d’y venir quelques mois chaque année, des journalistes locaux ont commencé à s’intéresser à moi. Ils savaient que je jouais dans un centre de formation en France. Vers mes quatorze ans, la France et la Bosnie m’ont approché pour des rassemblements U16. À l’époque, c’était plutôt rare pour la fédération bosnienne de sélectionner des binationaux de l’étranger. Mes parents avaient fait en sorte que j’aie les deux nationalités, c’était donc à moi de choisir.

Prendre une telle décision à cette âge-là, ce n’est pas anodin…

C’est sûr, mais jouer pour la Bosnie était une évidence pour moi. La Fédération m’a vraiment montré beaucoup d’intérêt. Ils avaient très envie que je les rejoigne et c’était réciproque. J’y pensais depuis longtemps, je le voulais vraiment. Je sentais que ça allait rendre mes parents fiers. J’aime cette culture, j’ai baigné dedans et je m’y suis toujours bien senti. Jouer pour la Bosnie était une belle façon de rendre hommage à ma famille.

 

Des U17 bosniens aux A de Safet Sušić

 

Avec une dizaine de sélections dans chaque catégorie, tu as été l’un des cadres de ta génération, des U17 jusqu’aux Espoirs. Comment se sont passées ces années en équipes de jeunes ?

Ce sont de très bons souvenirs. Mes parents venaient voir mes matches dès qu’ils le pouvaient. Ma famille était très fière de ça. Il faut aussi préciser que les conditions n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. Il était très courant que je parte à mes frais à Sarajevo car la Fédération n’avait pas beaucoup de moyens. Mais jouer pour la sélection, c’était le choix du cœur, il fallait que j’y aille.

Quels souvenirs restent le plus ancrés dans ta mémoire ?

Nous avons disputé des tournois un peu partout à l’étranger, des qualifications pour l’Euro Espoirs, même si nous n’avons jamais atteint ce graal. J’avais pris de l’importance dans l’équipe. Je marquais de temps en temps, comme lors de ma première sélection où j’ai inscrit un but sur coup franc. J’ai marqué aussi contre l’Espagne de Morata, Saul Niguez, Sergi Roberto… Le public commençait à me connaître et m’apprécier. Je sentais que la sélection me rendait plus fort. Je prenais de la confiance, à chaque fois que je rentrais en France je me sentais meilleur.

Le 4 septembre 2014, que se passe-t-il dans ta carrière ?

(Il réfléchit…) Ma première sélection ? C’est ça, ça commence à remonter ! Un match amical contre le Liechtenstein. Je joue les 90 minutes et on l’emporte 3-0. Un grand moment. C’était juste après la coupe du monde 2014, la toute première grande compétition disputée par la Bosnie. Le sélectionneur Safet Sušić repartait sur un nouveau cycle et avait fait appel à moi. Avant la rencontre, je ressentais un mélange de fierté, d’impatience, de nervosité… En A, tu représentes tout le pays, ce n’est pas rien.

 

Džeko, l’icône de tout un peuple

 

Tu as connu plusieurs sélectionneurs en équipe première, dont Safet Sušić et Mécha Baždarević, deux personnes qui ont compté dans le football français. Quel lien entretenais-tu avec eux ?

Forcément une relation un peu spéciale. Sušić suit attentivement la Ligue 1 et avait bien noté que je sortais d’une saison pleine avec Sochaux lorsqu’il m’a fait passer des Espoirs aux A. C’était ma première saison en Ligue 1 et il savait que j’étais sélectionnable. Pour Baždarević, c’était encore plus simple car je l’avais eu comme entraîneur à Sochaux avant qu’il ne prenne la sélection.

Il y a quelques garçons connus dans l’effectif de la Bosnie depuis quelques années comme Džeko, Pjanić ou Kolašinac. Que représentent ces joueurs dans le pays ?

Ce sont de vraies stars ! Surtout Džeko. Il a une influence énorme en Bosnie. Il a grandi à Sarajevo, débuté dans un club de la ville. C’est l’enfant du pays. Tout le monde l’aime et le respecte énormément. Il est très écouté, et est engagé dans de nombreuses causes sur le territoire. C’est le capitaine indiscutable de la sélection.

Tu continues de suivre les performances de la Bosnie ?

Bien-sûr ! Je regarde toujours leurs matches. Il y a eu pas mal de changements récemment. Ils partent sur un nouveau cycle avec une jeune génération. C’est un renouveau que je vais suivre attentivement, avec en ligne de mire une qualification à la Coupe du Monde. Ce serait énorme pour ce pays qui le mérite vraiment.