Thierry Debès : “Entre l’AC Ajaccio et moi, c’est une histoire d’amour” - Racing Club de Strasbourg Alsace
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14/04/2023

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Thierry Debès : “Entre l’AC Ajaccio et moi, c’est une histoire d’amour”

Dernier rempart de l’AC Ajaccio entre 2007 et 2012, l’Alsacien Thierry Debès est désormais entraîneur des gardiens acéistes depuis onze ans. Pour ce gardien aux 50 apparitions sous le maillot du Racing, revenir à la Meinau revêt une symbolique particulière.

Raconte-nous tes débuts dans le football, chez toi en Alsace…

Natif de Strasbourg, j’ai grandi à Stutzheim, le premier village « hors-CUS ». J’ai fait mes premiers pas dans le football à Dingsheim puis Brumath, avant de rejoindre une classe sport-études. Tout a commencé à devenir sérieux lorsque le Sporting Club Schiltigheim m’a recruté à seize ans pour que je sois leur gardien, d’abord en junior, puis en CFA avec l’équipe première. Je n’avais pas du tout à l’idée d’être un jour professionnel. Je faisais des études à côté, je voulais juste faire une belle carrière en amateur.

Le Racing, pour toi, enfant de Strasbourg, ça représentait quoi ?

Petit, je suis souvent venu à la Meinau avec mon père. J’ai commencé au début des années 1980 avec le Racing de Piasecki. Quand on ne pouvait pas venir au stade, on suivait les résultats dans la presse ou à la radio. J’adorais ça, c’était mon club de cœur. Quand j’ai eu la vingtaine, j’ai beaucoup observé Joël Corminbœuf dans les buts. J’admirais son style. C’est le premier gardien du Racing qui m’a inspiré.

À quel moment le Racing vient-il s’intéresser à toi ?

Lors de ma première saison senior au Sporting, j’ai commencé à avoir des convoitises, même si mon père a voulu que je finisse mes études d’abord. Quand le Racing a pris contact avec moi, tout a été accéléré par le Président Roland Weller. Il était mon Président au Sporting quelques années auparavant et a vraiment tout fait pour me faire venir. Cela m’a permis de signer un contrat stagiaire d’un an au Racing.

Roland Weller a eu une importance toute particulière au cours de ta carrière de footballeur…

Oui, sa disparition il y a quelques mois m’a beaucoup peiné car c’est quelqu’un que j’ai très bien connu avant même d’être pro. Dans le monde amateur, il était très proche de ses joueurs. C’est lui qui m’a permis de jouer au Sporting malgré mon jeune âge. Il a tout fait pour que j’intègre l’équipe première parce qu’il croyait en mon potentiel. Plus tard au Racing, il a toujours gardé un œil attentif sur mes performances et ma progression. S’il n’avait pas été là, peut-être que je n’aurais jamais fait carrière.

Le plaisir d’abord, le financier ensuite

Quels ont été tes premiers contacts avec l’équipe professionnelle du Racing ?

Dès mon arrivée en tant que stagiaire en 1996, l’entraîneur Jacky Duguépéroux m’emmène en stage avec les professionnels à Munster. J’étais le troisième gardien derrière Alexander Vencel et mon ami David Klein. En quelques semaines, j’étais passé du football amateur au monde professionnel. La différence d’intensité de travail a été dure à gérer. En plus, c’était la grosse équipe – qui allait remporter la Coupe de la Ligue l’année suivante – avec les Nouma, Baticle, Raschke, Zitelli…

Après le départ de David Klein, tu passes numéro deux et tu supplées Alexander Vencel quelques saisons. Puis Vencel signe au Havre, et tu accèdes enfin au poste de titulaire…

Oui, Claude Le Roy m’installe en tant que titulaire. Le club m’a mis dans les bonnes dispositions pour que je sois épanoui et que j’endosse pleinement ce costume de numéro un. Cela m’a permis de faire mon expérience et mes matches en Ligue 1. Par la suite, Chilavert arrive et je perds ma place, mais ils ont donné leur chance à un jeune gardien de la région, je ne l’oublie pas.

Quels souvenirs gardes-tu de ce passage dans les buts du club de ta ville ?

Des premiers mois idylliques car nous avons réussi à redresser la barre après un début de saison raté. C’était génial. Il y a eu ce 16e de finale de Coupe de la Ligue contre Metz à la Meinau où j’arrête tous les tirs aux buts adverses. La deuxième saison a été bien plus difficile car les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Dans les moments difficiles, la Meinau était plus hostile qu’aujourd’hui, et c’était plus chaud pour moi aussi. Avec le recul, il ne faut garder que les bons souvenirs. Être numéro un et porter les couleurs de mon club, ça restera gravé.

L’arrivée de José Luis Chilavert change la donne…

Tout au long de ma carrière, mon but a été de jouer et de prendre du plaisir. À 28 ans, je ne me voyais pas redevenir remplaçant et j’étais prêt à faire de gros efforts salariaux pour ça. Marc Keller était dirigeant au club, il a entendu ma requête. J’ai donc été prêté à Grenoble une saison avant d’y être transféré. Par la suite, j’ai été numéro un dans tous mes clubs, ce qui était primordial pour moi. L’aspect financier a toujours été secondaire. Je n’ai aucun regret quant à mon départ du Racing car j’ai vécu des histoires extraordinaires.

“Mes enfants sont deux vrais insulaires avec des parents alsaciens”

Après Grenoble et Guingamp, tu relèves un dernier challenge à l’AC Ajaccio pour finir ta carrière. Comment es-tu arrivé là-bas ?

J’avais envie de découvrir autre chose après Guingamp. Ajaccio me proposait deux ans et forcément, la Corse (il sourit)… C’est attractif. Cette expérience s’est avérée extraordinaire. J’y ai fait cinq saisons en tant que joueur avec en point d’orgue la montée en Ligue 1. J’étais le capitaine de l’équipe. Enfin, j’effectue une saison en Ligue 1 en tant que doublure de Memo Ochoa et je prends ma retraite.

Tu avais déjà cette envie d’entraîner ?

Oui, c’est quelque chose qui m’a assez vite passionné. J’ai passé les diplômes tout en jouant afin d’être prêt dès la fin de ma carrière. Une carrière, ça peut dégoûter certains du football, mais ce n’était pas mon cas. Je voulais vraiment rester dans le milieu car je suis un vrai passionné. Mon entraîneur Olivier Pantaloni et le Président Orsoni m’ont fait confiance et m’ont ouvert les portes du staff pour ma reconversion. Rester à Ajaccio, pour moi, c’était une évidence.  

Voilà plus d’une décennie que tu entraînes les gardiens de l’AC Ajaccio. Cette vie t’épanouit ?

J’aime beaucoup ça car l’entraîneur des gardiens a un pied dans le staff et un pied avec ses gardiens. J’en ai entraîné beaucoup, d’Ochoa à Leroy en passant par Leca, et cela a toujours été un plaisir. À Ajaccio en plus, on a toujours quelque chose à jouer, que ce soit un maintien ou une montée (il rit). Il y a toujours des émotions. Je m’épanouis pleinement dans mon métier.

Et sur le plan familial ?

Mes enfants sont arrivés ici à 5 et 2 ans, donc autant dire qu’ils y ont vécu toute leur vie. Ce sont de vrais insulaires, avec l’accent corse et la mentalité d’ici, mais avec deux parents alsaciens. Ils viennent en vacances en Alsace depuis tout petit pour voir la famille, ils connaissent bien. Aujourd’hui, notre vie est à Ajaccio.

Le match aller, “une soirée irréelle de football”

Après 16 ans en Corse, quel est ton lien avec ce club ?

On peut parler d’histoire d’amour. J’adore l’ACA, c’est un club sans moyens mais avec une ambiance familiale unique en France. Je crois que cela n’existe pas ailleurs. C’est le vrai football et au fond, peut-être que c’est celui qui me correspond le plus. Aujourd’hui en Ligue 2, nous n’aurions que la dixième masse salariale. Il n’y a pas d’argent mais cela ne nous empêche pas d’avoir une ambiance de travail extraordinaire. Tout le monde se serre les coudes et se tire vers le haut.

Voir l’AC Ajaccio remonter en Ligue 1 l’été dernier, pour l’amoureux du club que tu es devenu, c’était un grand moment ?

En ville, c’était l’effervescence. C’était exceptionnel. Je l’ai vécu une fois en tant que joueur et une fois en tant que membre du staff. Dans une carrière, ce n’est pas donné à tout le monde. Il y a tellement peu de moyens dans ce club que chaque montée est vécue comme une énorme performance. Ici, avec rien on arrive à faire quelque chose.

Comment se passe ce retour dans l’élite pour vous, de l’intérieur ?

On savait dès le début que l’on devrait composer avec un budget ultra-restreint car c’est l’histoire de notre club. En début de saison, on n’arrivait pas à prendre de points malgré des contenus très intéressants. Puis, à la sortie de l’hiver, on est parvenus à se hisser hors de la zone de relégation malgré des contenus bien moins bons. Là, depuis quelques temps, on accuse vraiment le coup à cause de tous nos blessés.

Le match aller avait été cauchemardesque pour les Strasbourgeois, mais comment l’as-tu vécu du côté des locaux ?

Cela fait partie de ces soirées irréelles dans le foot. Le Racing qui survole le match, mène 2-0 et se retrouve mené en quelques minutes. Ce sport peut être incompréhensible. Parfois, tu as une équipe qui perd pied et l’autre qui est sur un nuage. Il y a aussi eu des coups du sort avec ces trois penalties accordés par la VAR. Pour nous, cette soirée a été fantastique, contrairement au Racing qui a dû avoir beaucoup de mal à la digérer.

Camarade de chambre avec François Keller au centre de formation

Quel est ton avis sur le Racing de cette saison ?

Avec l’équipe qu’ils ont, je n’aurais jamais pensé qu’ils seraient enlisés dans le bas de tableau si longtemps dans la saison. J’ai aussi connu des années comme ça où tu loupes ton début de championnat et tu n’arrives plus à t’en sortir. Quand on ne s’attend pas à jouer le maintien, c’est très dur. Nous, on le savait dès le début, il n’y a pas de surprise. Avec le potentiel et la qualité de cette équipe, je pense que le Racing va réussir à se maintenir.

Revenir à la Meinau, ça te fait quelque chose ?

Je suis revenu plusieurs fois en tant que joueur et une fois dans le staff. C’est un match particulier pour moi. C’est le club de mon enfance et de mon adolescence, il y aura toute la famille et la belle-famille dans le stade. J’aurais aimé revenir avec un peu plus d’enjeu. Ça ne va pas être facile de faire un résultat, on sait que ça va être la folie et que le public va pousser à fond. On va s’accrocher pour ramener quelque chose même si on sait que ce sera très difficile.

Il y a des visages que tu vas prendre du plaisir à revoir ?

Il y aura Marc Keller forcément, et puis son frère François, mon pote du centre de formation avec je partageais la chambre. Il y a bien-sûr Guy, le team manager, qui est un ami depuis tout petit, Jean-Marc Kuentz, le kiné Eric Moerckel, le doc Pietra… Cela fait très longtemps que je suis parti, pourtant j’ai encore des amis au club. Cela veut dire que le Racing respecte ses membres les plus expérimentés. C’est un plaisir de venir à Strasbourg et de revoir tout le monde.