Les morts de faim - Racing Club de Strasbourg Alsace
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19/04/2017

Les morts de faim

Nous voici désormais plongés dans la délicieuse tourmente des fins de championnat. Ces moments où ce qui reste à écrire devient infiniment plus important que le déroulement des chapitres précédents. Il reste cinq pages à remplir, tout aussi blanches les unes que les autres, un vertige de probabilités et d’incertitudes. Il n’y a pas de raison que le livre de la saison ne s’achève pas comme il n’a cessé de s’égrener, sur le fil de résultats improbables, de renversements inattendus, d’une remise en cause permanente des statuts.

Tenez ! Si je reprends l’histoire à la page 28, je découvre un Racing touché par le doute qui vient, coup sur coup, de perdre à domicile contre Clermont (0-2), de se faire éliminer par Avranches en Coupe de France (1-1, 5-6 tab), et de s’incliner à Valenciennes (1-2). Cinq pages plus loin, il a empoché 13 points sur 15 et gagné quatre places. Le lecteur a ravalé son inquiétude. Emporté par la foule tonitruante de la Meinau, il imagine déjà l’épilogue glorieux qui va l’envoyer au paradis. Il faut lui indiquer ici quelle humilité, quelle intensité, quelle concentration seront nécessaires pour prolonger dans des proportions assez considérables une telle série de résultats positifs.

A cet endroit, nous ne devons donc pas tourner les pages trop vite, on risquerait de passer à côté de l’essentiel. La suivante suffit largement à sa peine. La méthode a bien fonctionné jusque-là. N’en changeons pas ! Et donc, un seul mot réclame toute notre attention : Laval. C’est un palindrome, un mot qui se lit à l’endroit comme à l’envers. Du coup, autant admettre tout de suite qu’on ne sait pas trop par quel bout attraper Laval. Par le bout de son classement (20e et dernier) ou par le bout de l’incroyable instinct de survie qui lui a permis de renverser une situation catastrophique la semaine dernière contre Reims ? Menés 0-2, les Mayennais ont trouvé la force de surgir du précipice pour passer cinq buts en une heure à l’un des effectifs les plus crédibles pour la montée.

A cet instant, on devine facilement quel feu anime le vestiaire lavallois autour de Thierry Goudet, revenu il y a quelques jours seulement pour sauver le club de ses premières amours. Laval a marché sur Reims et doit balayer le Racing pour attiser sa flamme. Car il en est ainsi du livre du football où, à la fin, les morts de faim deviennent des adversaires aussi redoutables, et souvent plus, que les chasseurs d’étoiles. Je n’ai pas une pensée, même pas le début d’une, pour le match que nous irons disputer à Lens, le 5 mai, et que certains de mes amis décrivent déjà comme le tournant de notre histoire. Lens n’existe pas. Laval existe. Oui et comment ! Nous devons y aller sans peur mais en sachant ce qui nous y attend. Un combat d’une formidable intensité, une page à écrire d’une main qui ne tremble pas. C’est se battre pour rêver, qui est aussi un palindrome.

Je vous dis à la semaine prochaine !

Allez Racing et salut bisame !

Jean-Marc Butterlin a été Chef des Sports du journal « L’Alsace » et Grand Reporter au journal « L’Equipe ». Il est membre du Conseil d’Administration de l’Association Racing Club de Strasbourg Alsace.