LES COUPS FRANCS DE BUBU – Ce matin-là… - Racing Club de Strasbourg Alsace
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21/05/2013

LES COUPS FRANCS DE BUBU – Ce matin-là…

Ce samedi matin, il se lève. Pas trop bien dormi, chaleur mal réglée dans le petit hôtel où ils sont arrivés hier soir. Il regarde par la fenêtre. Une petite pluie arrose la ville, putain de printemps, ça ne s’arrêtera donc jamais. Il se douche. Enfile lentement son survêtement, un coup de peigne. Il sort de la modeste chambre, s’engage dans le couloir étroit. Un petit escalier. La plupart sont déjà installés autour de la table du p’tit dèj. Il s’installe à son tour. Un café, un fruit, une tartine. Ça rigole un peu, ça chambre. Il allume son téléphone portable. Messages de sa chérie, de quelques amis. « Lâchez rien, on est avec vous ». Le coach décrète une petite promenade. Il marche sans rien dire, un peu à l’écart. Dans sa tête, ça turbine, ça défile. Il refait le chemin à l’envers. Il se souvient de Moulins, de la punition. Le fond du trou, déjà la fin peut-être. Il avait jeté ses godasses dans un coin du vestiaire. De rage, un peu de désespoir. Et puis, très vite, était venu le refus d’abdiquer. Les matches et les victoires qui s’enfilent. Une, deux, trois, quatre, cinq. Magiques comme à Lyon-Duchère, venue de nulle part comme à Grenoble. Et Paris s’était pointé avec sa meilleure équipe de la saison. Pierre Mankowski, le sélectionneur des U20, dans la tribune comme pour mieux motiver les jeunes du PSG encore. Il sourit un instant de ce match nul arraché dans le désordre, une moitié de l’équipe s’échinant pour gagner, l’autre informée qu’il ne fallait surtout pas perdre. Les rues de Raon sont grises, deux jeunes du coin leur font un bras d’honneur.

Retour à l’hôtel, un instant de repos, la collation. La petite salle où le coach réunit les gars. Les mots sont forts mais les mots sont presque inutiles. On rassemble les affaires, on aide Guy à tout caser dans la soute du bus. Le stade n’est pas loin mais c’est au bout du monde. Il pense à tous les supporters, aux cars qui ont franchi le Donon comme une caravane gonflée d’espoir. Il sait que, comme toujours, l’équipe pourra compter sur eux. Un seul mot a nourri la semaine : gagner. C’est ça ou rien. Il lui revient une émission qu’il a vue à la télé récemment, un reportage sur Jean-Claude Killy, le plus grand skieur français de tous les temps. Il avait dit : « Pour gagner, il faut risquer de perdre ». Ca tient à si peu, un ballon dévié, un drapeau qui ne se lève pas, une glissade, un faux rebond, une flaque, une main qui traîne, un retourné formidable, un arrêt incroyable. C’est parfois si bon, parfois si injuste. Il ne doute pas de la nécessité de risquer. Les bonnes cartes sont en face, il reste un ou deux atouts à abattre pour effacer la différence. Alors, soudain, alors que se dessine la silhouette du stade, monte en lui une force énorme. Aurions-nous fait tout ça pour échouer maintenant ? Les semaines passées à rattraper le temps, les points perdus. Quatre à quatre comme à engloutir un escalier interminable. Et là, devant, la montagne attend, immense et ridicule. Il ne veut rien avoir à se reprocher. Il y laissera toutes ses forces, toute son énergie, toute son intelligence aussi. Il se dit une chose toute simple : quoiqu’il arrive, je ne veux nourrir aucun regret. Il observe les autres alors que le bus s’arrête enfin. Ils descendent les uns après les autres. C’est une armée qui avance.

Je vous dis à mardi prochain.
Allez Racing et salut bisame !

Jean-Marc Butterlin a été Chef des Sports du journal “L’Alsace” et Grand Reporter au journal “L’Equipe”. Il est membre du Conseil d’Administration de l’Association Racing Club de Strasbourg.