Une petite phrase dans la tête - Racing Club de Strasbourg Alsace
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16/05/2017

Une petite phrase dans la tête

C’est dans quelques dizaines d’heures, maintenant. Ce matin, le soleil est encore haut dans le ciel. Mais la dame de la télé a annoncé une « dégradation ». Il pourrait pleuvoir vendredi. De l’orage peut-être même. Il s’en fout un peu. Il a pris son petit déjeuner sur la terrasse, plein sud. Avec sa chérie et les petits. Chants d’oiseaux dans les arbres. Un matin tranquille, comme les autres, avant de faire le sac, de monter dans la voiture et de filer à l’entraînement. Le téléphone a déjà vibré quelques fois. Il regardera plus tard. Le petit objet ne cesse de gargouiller dans sa coque ces temps-ci, le ventre plein de messages et d’émoticônes.

« C’est fou, lui dit-elle, les gens ne parlent que de ça. Il y a, je sais pas, comme une petite folie qui a gagné la ville. Hier, à la boulangerie, un monsieur m’a dit que vous ne devez surtout pas stresser. Ça va bien se passer. Et vous, je lui ai demandé, au monsieur ? Il m’a répondu qu’il ne trouvait presque plus le sommeil ! ». Il sourit. Il dort bien lui, comme toujours. Il se lève, l’embrasse, passe la main dans les boucles des enfants. « A tout à l’heure ».

Ils sont assis à leur place. La même depuis des mois. Les gestes ne changent pas. Les blagues non plus. Ce serait un demi-cercle si la pièce n’était pas rectangulaire. Il se demande s’il y a un terme géométrique. Ils les observent. Calmes, sereins, se préparant sans hâte pour la séance. Un vestiaire pacifique. Paisible. Rassurant. Rien d’autre que les autres semaines. Quelque chose dans les yeux pourtant. Il dirait de la détermination. Une force objective qui ne ment pas. Ce regard qu’ils ont tous désormais. Qui va de l’un à l’autre puis de l’autre à l’un et dit plus que mille paroles, braqué dans une direction commune.

Il mesure cet instant. Il pense à l’été dernier quand les choses ont commencé. Il entend à sa droite : « Tu te souviens quand on a vu le calendrier ? On était content de finir à domicile, des fois qu’il faudrait des points pour sauver notre peau ! ». Oui, il se souvient bien. Il se demande même s’ils n’étaient pas tous moins sereins qu’aujourd’hui. Il n’est pas sûr. Il se sent au milieu d’une drôle de bande. Quelques grandes gueules et des discrets. De formidables compagnons qui marchent d’un même pas vers leur destin.

Il est sans peur et sans arrogance. Il leur faudra – une dernière fois espère-t-il – respecter l’autre équipe, lui accorder le droit de vouloir briser leur rêve. Il faudra arracher, ensemble, encore, quelque chose qui ne sera pas donné. « Combien aimerait être à ma place ? » s’interroge-t-il simplement. La conscience d’une chance considérable l’envahit. Ça le rend heureux, plus conquérant que jamais. Il se réjouit du vent qui va se lever de tous les points cardinaux du stade. Il est prêt. Ils sont prêts, eux aussi. Il entend à sa gauche une voix forte : « C’est incroyable ce qu’on a fait et pourtant, on n’a encore rien fait ». Soudain, le vestiaire s’est tu. Ils se sont levés. Ils ont marché vers le terrain avec cette petite phrase dans la tête. Tout reste à faire.

Je vous dis à la semaine prochaine !

Allez Racing et salut bisame !

Jean-Marc Butterlin a été Chef des Sports du journal « L’Alsace » et Grand Reporter au journal « L’Equipe ». Il est membre du Conseil d’Administration de l’Association Racing Club de Strasbourg Alsace.