Épisode 30 : le petit monsieur - Racing Club de Strasbourg Alsace
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13/03/2018

Épisode 30 : le petit monsieur

Ça, il en a vu. Un titre, dans l’autre siècle, qui peuple encore ses nuits. Des bonheurs, des joueurs qu’il a admirés, vénérés parfois. Avec le Racing, il a connu le paradis et l’enfer. Presque la fin, une fois. Son temps avance, sans pitié. Il a été heureux quand son club est revenu chez lui, en Ligue 1. Il est retourné à Paris par la grande porte. Les années d’avant, il en avait visité la banlieue et ses stades gris, dans les divisions d’en-dessous.

C’est un vieux de la vieille, on pourrait dire. Un qui ne lâche pas. Un de l’été et de l’hiver. Toujours là, par vents et canicule. Il sait tout des chaleurs et des bourrasques de la Meinau. Il est plutôt heureux. Il y a cinq ans, le monde de ses fins de semaine s’était recroquevillé. Il était là quand même. Il a accompagné bien sûr la remontée. Pleuré à Epinal. Prié un mois de juillet pour un sauvetage administratif. Et c’est allé vite, après. Deux titres arrachés tout à la fin. Toujours à la fin. Il est blindé.

L’autre soir, après Monaco, il a dit : « Il faudra peut-être le faire à Nantes, au dernier match. Ca nous ressemblerait tellement ». Il avait le calendrier sous les yeux. Le classement, les matches qui viennent : Toulouse, Metz, Angers, St-Etienne, Amiens. Il a relevé ses lunettes sur le front : « C’est peut-être là que ça se joue, en fait ». Il imagine des combats énormes, essentiels à cet endroit du tableau où il faudra des coups de pinceau puissants, précis.

Il regarde tout, il lit tout. Télé, journaux. Sa vie a la rondeur d’un ballon. Il croit aux mots qui s’impriment, les joueurs quand ils disent combien c’est important qu’un club comme le Racing, qu’une ville comme Strasbourg restent là-haut. Dans sa bouche, le mot maintien revient sans cesse. Il le prononce dix fois par jour. L’autre jour, allant faire les courses, il demande à sa femme : « Tu sais pas où j’ai mis mon maintien ? ». Elle a souri. Le manteau est dans l’armoire.

Toutes ces longues années, il n’a jamais parlé à un joueur. Il vient au match, avec des copains la plupart du temps, mange son sandwich puis s’installe, en populaires. Après, il rentre en tram. Le port fier ou la tête rentrée dans les épaules, c’est selon. Il vit sa vie par procuration, comme dans la chanson.

Il est un pour qui c’est important. Une existence chiche. Il a un peu économisé pour s’offrir l’abonnement. « Qu’est-ce que tu dirais aux joueurs si tu pouvais ?» lui demande un pote. « Je sais pas. Peut-être qu’ils pensent à moi, aux gens comme moi. Tu sais, je n’en ai jamais sifflé un seul en quarante ans ». C’est un taiseux à la fin. Un petit monsieur, fidèle et magnifique. Il aime le Racing tout simplement, complètement. Il fait confiance. « Ils vont le faire, dit-il, j’en serais tellement heureux ».

Je vous dis à la semaine prochaine !

Allez Racing et salut bisame !

Jean-Marc Butterlin a été Chef des Sports du journal « L’Alsace » et Grand Reporter au journal « L’Equipe ». Il est membre du Conseil d’Administration de l’Association Racing Club de Strasbourg Alsace.