Entre Racing et Gym, les cent vies de Jean-Noël Huck - Racing Club de Strasbourg Alsace
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12/05/2021

Entre Racing et Gym, les cent vies de Jean-Noël Huck

Capitaine vedette du grand OGC Nice des années 1970, Jean-Noël Huck compte également plus de cent matches au Racing, son club formateur… mais aussi de courts passages d’éducateur puis entraîneur dans les deux maisons. Aujourd’hui retraité dans l’arrière-pays niçois, l’ancien milieu de terrain des Bleus ne loupe pas une miette des rencontres de ses deux clubs de toujours.

7 saisons au Gym, 236 matches à jouer les premiers rôles en D1, 28 buts, des campagnes européennes avec le brassard de capitaine : l’armoire à souvenirs de l’ex-Aiglon Jean-Noël Huck (72 ans) déborde. L’Alsacien a presque tout connu sous le maillot rouge et noir, à tel point qu’il s’est installé sur la Côte d’Azur une fois le football derrière lui. Dimanche, ce match entre Niçois et Strasbourgeois sera un peu le sien, lui l’enfant de Mutzig. « J’allais à la Meinau à quatre ou cinq ans dans les années cinquante, se souvient-il. Mon père m’emmenait en tribune debout, au-dessus de l’ancien tunnel des joueurs. Le fouler en tant que footballeur quelques années plus tard, je n’y aurais pas cru. »

Cette première idylle avec le Racing commence lorsque le club strasbourgeois vient le chercher dans l’équipe de son village, alors même qu’il effectuait son service militaire. L’été où il s’engage à Strasbourg, son ami d’enfance Arsène Wenger débute à Mutzig. « On n’a jamais pu y jouer ensemble, mais on allait au bal le week-end. » Après quelques saisons dans les classes biberon du Racing, Jean-Noël démarre en équipe première à l’âge de vingt ans. Une grande fierté pour le jeune milieu de terrain, mais surtout pour ses parents, mordus de foot et fans absolus du club de la région. Le garçon se révèle et prend part à ses premiers matches en équipe de France à peine un an plus tard.

« On nous appelait les millionnaires »

La descente du Racing en 1971 amène les dirigeants strasbourgeois à le céder à l’OGC Nice. Le club azuréen est à ce moment précis en pleine reconquête sportive et s’appuie sur des moyens financiers importants : à l’intersaison, le Gym enrôle cinq internationaux (Loubet, Revelli, Camerini, Baratelli et Huck). « À l’époque, on nous appelait les millionnaires » souffle Jean-Noël Huck. Titulaire puis capitaine du onze niçois aux côté des Jouve, Guillou, Van Dijk et autres Molitor, l’Alsacien deviendra l’un des Rouge et Noir les plus emblématiques de la décennie.

Lui qui connaissait si bien la Meinau a su dompter le Ray, bouillonnante arène de poche coincée dans les quartiers nord de la cité niçoise. Avec le Racing, il n’en avait alors jamais foulé la pelouse. « C’était un vrai stade de football, s’émerveille le Mutzigeois, sans piste, petit, mais dont les 14 000 places étaient toujours occupées car on jouait le titre presque tous les ans. Les supporters arrivaient vers midi, pique-niquaient dans les gradins, et restaient pour le match. Le stade était tellement plein qu’on marchait sur les supporters en allant faire les touches. »

Les belles heures du Ray

Dans les chaudes ambiances niçoises, Jean-Noël l’assure, tout s’est toujours bien passé, « sauf peut-être contre Bastia »…  En témoigne le huitième de finale de Coupe de France 1976, à l’époque en aller-retour, face au Sporting. Monaco et Cannes étant en deuxième division, les Corses sont les principaux rivaux régionaux du Gym, et la rencontre est attendue dans tout le bassin méditerranéen. Entre l’électrique match nul 2-2 au Ray et l’élimination 4-0 dans un contexte non moins tendu à Furiani (deux Aiglons reçoivent des pierres et seulement neuf d’entre eux sont alignés au coup d’envoi), et malgré l’escorte policière accordée à tous les joueurs niçois pendant la semaine, le magasin de sport de Jean-Noël Huck en ville est incendié.

Pour autant, de son passage dans le Comté, le septuagénaire préfère garder les folles courses au titre face à Nantes et Saint-Étienne, dont l’OGC Nice n’est malheureusement jamais sorti vainqueur. « On arrivait à finir champions d’automne avec trois ou quatre points d’avance, mais jamais à aller au bout. C’était l’hiver qui nous tuait, notamment à l’extérieur : on s’entraînait à Nice en moulés toute la semaine, et on arrivait le samedi à Reims ou Nantes dans le froid et la neige, sur des terrains gras… C’est dans ces matches que l’on perdait le titre. »

Les éloges de Cruyff

 Il y a eu aussi les grandes soirées de coupe d’Europe. La plus belle s’est produite un soir de septembre 1973, toujours au Ray, face au grand Barcelone au premier tour de la Coupe de l’UEFA. Johan Cruyff, tout juste débauché à l’Ajax Amsterdam, est en tribunes. Le Gym s’impose 3-0 sur des buts de Van Dijk et Molitor par deux fois, et l’incroyable Huck réalise un match plein au milieu de terrain. Le lendemain, dans les colonnes de Nice Matin, Cruyff comblera de louanges le numéro 8 niçois… Un souvenir mémorable pour le jeune homme : « J’avais une idole, c’était lui et personne d’autre. »

Après Nice, Jean-Noël Huck tentera sa chance au Paris FC, au Paris Saint-Germain puis à Mulhouse, avant de recevoir un appel du pied à 36 ans de son club formateur : « Le Racing a souhaité me faire revenir en tant que responsable de la formation. Pour moi le terrain, c’était fini. Mais après une semaine avec les jeunes, l’entraîneur de l’équipe première a insisté pour que je rejoue avec les professionnels. » L’aventure dure moins d’une vingtaine de matches, et alors que le Racing joue sa survie dans l’élite, il prend les rênes de l’équipe fanion en tant qu’entraîneur pour une opération maintien. « JNH » fait appel aux jeunes talents du centre de formation qu’il connaît bien, comme Vincent Cobos et Christophe Niesser, et contribue au sauvetage du Racing à la fin de la saison 1984-1985. 

Le maintien face au Racing

Il revêt de nouveau la casquette d’entraîneur deux saisons plus tard à Nice, en tant qu’adjoint tout d’abord. Il épaule Jean Séraphin, son ancien coéquipier Nenad Bjekovic, puis Carlos Bianchi. À la fin de l’exercice 1989-1990, le Gym joue sa peau en D1 lors d’un barrage face… au Racing, candidat à la montée. Les Niçois perdent la première manche 3-1 à la Meinau, mais réalisent l’exploit au retour : victoire 6-0 dans un Ray en ébullition. « Que ce soit en coupe d’Europe ou pour les matches du titre, je n’avais jamais vu autant de ferveur dans ce stade. Deux heures avant le coup d’envoi, le Ray était plein. » 

Après une nouvelle opération maintien à la tête de l’OGC Nice l’année suivante, Jean-Noël Huck se retire du football professionnel. Il vit avec sa famille dans le village de Falicon, à quelques encablures de la capitale azuréenne. Comme à ses heures d’entraîneur, l’Alsacien est toujours incollable sur l’actualité du championnat de France et de ses deux clubs. L’ancien technicien a toujours un faible pour les avants-centres, notamment Ludovic Ajorque, « le regretté Wolfgang Kaniber d’aujourd’hui ».

© OGC Nice