Les coups francs de Bubu – "Horrible" - Racing Club de Strasbourg Alsace
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22/01/2013

Les coups francs de Bubu – "Horrible"

Une phrase a retenu mon attention ce week-end. Elle a jailli de la bouche de Christian Gourcuff après Lorient-Troyes (3-2). L’entraîneur breton a parlé “d’une victoire horrible”. J’ai immédiatement pris peur et j’ai vérifié : il n’y a pas eu de joueur gravement blessé, ni d’insultes racistes, les tribunes ne se sont pas effondrées, aucune trace de prise d’otages ou de répression sanglante, on n’a pas décelé non plus de moutarde sur les galettes ou de pastis dans le cidre à la buvette.

Qu’est-ce qui a donc été si « horrible » ? Le jeu tout simplement. « Ce match a été d’une grande pauvreté sur le plan collectif », a ajouté Gourcuff, qui serait peut-être champion de France si les finances du club lui avaient permis, ces dernières années, de garder les Jallet, Koscielny, Morel, Amalfitano, Gignac ou Gameiro.

Sans cesse pillé, Lorient est pourtant sixième de la Ligue 1. L’obstination de son entraîneur à valoriser le beau jeu, son idée commune et sa marche vers l’avant représentent une exception française quand tant de ses confrères s’acharnent à vanter leur amour du jeu d’attaque tout en bétonnant comme des malades le samedi soir. Bordeaux-Paris SG (0-1) en a été la somnolente démonstration. J’en suis venu à regretter France 3 et le Commissaire Magellan dont les enquêtes à deux à l’heure vont encore plus vite que les Girondins quand ils remontent le terrain…

« L’horrible victoire » de Gourcuff est à mettre en parallèle avec l’éternel « Seule la victoire est belle » qui est le leitmotiv des épiciers et des gagne-petit.

Mais vous aurez peut-être raison, ici, de me lancer à la figure que la finalité du sport est la victoire et de renvoyer à ses études ce cher Sophocle pour qui « un échec honorable est préférable à une lâche victoire ». Vous aurez sans doute raison de n’en avoir rien à battre de la qualité du jeu du Racing s’il gagne tous ses matches, même horriblement, et s’il monte en National dans quelques mois. Sauf que ça ne marche jamais comme ça, ou exceptionnellement. Qui a regardé un match de la Grèce depuis son « horrible » triomphe lors de l’Euro 2004 ? La médiocrité précipite dans l’oubli aussi sûrement que le panache éveille l’émoi. Je suis de cette génération qui n’oubliera pas la merveilleuse équipe hollandaise des années 1970. Deux fois battue en finale de la Coupe du Monde (74 et 78) mais vivante à jamais par son apport considérable à la naissance du football moderne.

Il y a de ça dans les profondeurs de la phrase de Christian Gourcuff, la certitude que le prochain match horrible de son équipe signifiera une probable défaite. Sinon, ce serait vraiment horrible pour le football.

Je vous dis à mardi prochain.
Allez Racing et salut bisame !

Jean-Marc Butterlin a été Chef des Sports du journal “L’Alsace” et Grand Reporter au journal “L’Equipe”. Il est membre du Conseil d’Administration de l’Association Racing Club de Strasbourg.